10/05/2018

VERDISSEMENT D'IMAGE : LES ENTREPRISES ET LE GREENWASHING


     Lorsque l'on décide de se tourner vers des cosmétiques plus naturels, pour notre santé, pour la planète ou par curiosité, il est possible de se heurter à quelques écueils :

  •  Acheter -en conscience- des produits à la composition douteuse, par habitude, par craquage, par manque de budget, ou par flemme. Cela m'arrive de temps en temps. Ce problème n'en est pas vraiment un, puisqu'on peut le résoudre par nous-même, en augmentant nos efforts, ou en patientant en attendant un meilleur budget.
  • Recevoir en cadeau des produits à la composition douteuse. Là encore, cela se résout facilement, pour peu que l'on puisse être franc avec la personne nous ayant fait le présent. En expliquant clairement et calmement votre démarche, tout devrait bien se passer. Si vraiment vous craignez de décevoir la personne, vous pouvez toujours ne rien dire et essayer d'évoquer clairement vos envies pour la prochaine fois. Pour les produits reçus, libre à vous de les utiliser, de les donner à des proches peu regardant sur la composition, ou à des associations.
  • Acheter des produits que l'on pensait naturels/bio/pastropdégpourlasantéetlaplanète, et qui ne le sont pas.
  • Recevoir en cadeau des produits que le marketing a fait passer pour naturels ou bons pour la planète, et qui ne le sont pas.

      C'est pour ces deux derniers points que je souhaitais rédiger cet article.

  Devant l'engouement croissant pour les produits bio et naturels, certaines marques ont flairé le bon filon. Il est très facile de se perdre entre les nombreux labels, les gammes de prix allant du simple au double, et le matraquage publicitaire. Comment apprendre à lire les compositions ? Comment s'y retrouver entre des grandes marques capables d'ouvrir une gamme estampillée biologique, et des petites entreprises à l'éthique impeccable mais incapables de s'offrir un label ? Et, à mon sens, un des points les plus difficiles: Comment expliquer gentiment à sa famille ou ses amis, peu renseignés sur les cosmétiques naturels et qui ont voulu vous faire plaisir, que telles ou telles marques utilisent le "Greenwashing" afin de se donner une image verte et éco-responsable, en abusant le consommateur non averti ?

Exemple: UNE Natural Beauty, marque de maquillage naturelle/bio, ayant été créée en 2009 par Bourgeois, Bourgeois appartenant alors au grand groupe pasdutoutbio Chanel, Chanel qui a revendu Bourgeois en 2015 à Cotty, qui a arrêté la production d'UNE. Mais pas de Bourgeois. Compliqué.

     J'aurais aimé au début de la rédaction de cet article répondre à toutes ces questions, mais m'étant aperçu que le sujet était bien vaste, je me concentrerai pour le moment sur le Greenwashing. Le reste viendra plus tard. :)


KESAKO LE GREENWASHING ?



     N'y allons pas par quatre chemins : une entreprise, si elle veut bien fonctionner et faire un minimum de chiffre, doit vendre. Le problème qui se pose dans le marché de la cosmétologie naturelle/Bio, c'est que certaines marques à l'éthique peu scrupuleuse, prenant clairement leurs consommateurs pour des pigeons, n'hésitent pas à "verdir" leur image pour cacher la composition de leurs produits : c'est ce qu'on appelle le greenwashing (ou écoblanchiment, ou verdissage). 
Il est utilisé en cosmétique donc, mais également dans l'industrie automobile ("véhicule propre"), dans les produits ménagers, les vêtements (H&M et sa gamme "conscious", et qui à côté produit 600 millions de vêtements par an...) ou encore dans l'alimentation.

     L'écoblanchiment repose en fait sur des procédés marketing, et la plupart du temps, l'argent investi par les entreprises concernées sert davantage à financer la publicité du produit qu'à réduire son impact sur l'environnement.
Ce qui compte au final, c'est l'image que veut renvoyer la marque.


" Avec de la Stevia naturelle dont l'utilisation pure est interdite en Europe car on n'est pas sûr des risques sur la santé, et de l'herbe fraîchement coupée. "



COMMENT DETECTER LE GREENWASHING ?



Le greenwashing se voit relativement facilement quand on en connaît l'existence. Voici donc quelques tuyaux pour les néophytes qui souhaiteraient apprendre à le repérer:

  1. L'emballage : C'est la première chose que l'on voit quand on achète un produit, attention donc à la manipulation visuelle. Il faut bien se mettre en tête qu'un logo avec une feuille, qu'une bouteille en plastique vert ou bleu transparent ou qu'un packaging en carton recyclé ne garantissent par une composition clean, et encore moins une composition naturelle ou biologique d'un produit cosmétique.
  2. Les images suggestives : Des fleurs, des fruits et des légumes comme décoration sur la tête de gondole, une femme qui court dans un champ de blé sur le papier glacé d'une page de magazine, des gens qui prennent leur douche sous la pluie de la forêt amazonienne... Vous voyez le genre ?
  3. L'usage de mots approximatifs et du "sans...: "pure" ; "frais" ; "à l'huile précieuse de *machin*"; "sans paraben, silicone..." quand sont présents d'autres ingrédients crado.
  4. Le jargon écologique : On retrouvera par exemple "A l'extrait de *machin* bio" quand aucun label n'est présent sur la boîte, ou alors un label inventé (oui oui ça existe) ; Ou bien "Tel ingrédient naturel est utilisé depuis des millénaires par les femmes de telle région du monde...", quand l'ingrédient en question n'est présent qu'en quantité minime ; Ou encore la mise en avant du lieu de fabrication ou du siège de l'entreprise (souvent la Provence, qui rappelle les vacances, les champs de lavande, les oliviers, etc).

" Hey les gars, on va payer quelqu'un pour faire un faux label, ça nous coûtera moins cher que d'en obtenir un vrai ! "



BANIR LES MARQUES QUI PRATIQUENT L'ECOBLANCHIMENT ?



     Si j'ai écrit cet article, ce n'est en aucun cas pour juger la consommation des uns et des autres. Déjà parce que la mienne n'est pas irréprochable, et ensuite parce que chacun fait ce qu'il peut et ce qu'il veut avec ses sous. Le but est avant tout de vous éclairer sur les techniques de vente des marques, afin que vous puissiez choisir en toute conscience ce que vous achetez. Cela a été, et est toujours, un apprentissage pour moi.
     Et parce que je considère que les efforts, même petits, valent mieux que rien du tout, j'ai voulu mettre en avant quelques trucs quand même sympas chez quelques marques cosmétiques qui pratiquent le greenwashing, tout en mettant en lumière leurs techniques de vente moins sympas.

YVES ROCHER : Marque bien connue des françaises, souvent la première marque de maquillage des jeunes filles grâce aux prix attractifs, Yves Rocher se définit comme "pionnier de la cosmétique végétale en France". Alors déjà, mettons les choses au clair :  NON Yves Rocher n'est pas une marque bio. Je le précise car j'ai remarqué que beaucoup de personnes de mon entourage le pensent. Ce n'est pas NON PLUS une marque naturelle. De plus, la marque vend en Chine, ce qui signifie qu'elle doit s'astreindre aux tests sur les animaux obligatoires là-bas. La plupart de leurs gels douche contient du tetrasodium EDTA, polluant et empêchant le processus de biodégradation dans les cours d'eau. Leurs mignonnes crèmes pour les mains contiennent du dimethicone, silicone qui lisse la peau mais ne la nourrit pas du tout, au contraire : la peau est douce mais sèche en dessous, quand la crème est partie le problème n'est pas réglé donc on remet de la crème... un cercle vicieux. Et beaucoup d'autres exemples dans le genre. Les bons ingrédients sont souvent noyés dans des composants pétrochimiques. Je n'aime pas beaucoup cette marque, vous l'aurez compris (et je passe les cadeaux qui poussent à la consommation).
A relever cependant (j'ai promis) : 
- Le bâtiment du siège à Paris est un des bâtiments européens le plus respectueux de l'environnement, de même que les bâtiments de La Gacilly, siège historique, sont certifiés GreenGlobe et Ecolabel européen.
- Certains extraits naturels de plantes (car il y en a parmi d'autres produits dég') sont issus de plantes cultivées et transformées dans d'excellentes conditions, ramassées à la main à La Gacilly.
- Le village de La Gacilly, dans le Morbihan, d'où est originaire le fondateur Yves Rocher, a grandement bénéficié de l'essor de l'entreprise, avec courant touristique et création d'emploi (SPA, jardin botanique, végétarium).
- Sur le village de La Gacilly, 55 hectares de culture biologique de plantes appartiennent au groupe.
- La Fondation Yves Rocher, créée en 1991, a pour but la protection de la nature. Elle récompense avec le prix Terre de Femmes les femmes engagées pour la cause environnementale. Elle encourage la plantation d'arbres dans près de 26 pays (17 millions d'arbres ont été plantés en Ethiopie grâce à la fondation, par exemple).
Pour conclure : ce qui me pose un réel problème avec la marque Yves Rocher, c'est le non-sens total de ses démarches : le groupe se donne réellement les moyens et le mal pour proposer des solutions pour l'environnement, et à côté tout est pourri par des ingrédients douteux dans la composition de leurs produits, et un marché implanté en Chine... Je crois que cela s'explique simplement: si la marque passait entièrement au bio, elle devrait augmenter sa gamme de prix et donc prendre le risque de moins vendre. Les ingrédients de mauvaise qualité sont moins chers...la marge est plus importante. Business is business, comme on dit.
Je vous laisse vous faire votre idée avec la très bonne vidéo de Justine de la chaîne Justine Porcelaine, qui nous éclaire bien sur la marque, en toute objectivité.


Ce gel douche sort 10ème de l'école de police de l'INCI (et non pas de l'NICE), avec une moyenne de 12/20, ce qui est bien mais pas top.




LUSH : L'odeur du magasin qu'on perçoit à 100 mètres à la ronde, des cosmétiques colorés disposés sur des meubles en bois, des papiers kraft au design reconnaissable, des bombes de bain avec des fleurs dedans et du savon à la coupe. Leur slogan "fresh handmade cosmetics" met en avant l'artisanal et les bons produits, de quoi rappeler le panier du marché du dimanche. A priori, Lush a tout pour passer pour une marque de cosmétique irréprochable.
Pourtant, une bonne partie de leurs cosmétiques contient des parabènes, conservateurs controversés et exclus des chartes bio, ainsi que du Sodium Laurel Sulfate (tensioactif sulfaté ayant une action détergente, irritant pour la peau et pouvant pénétrer les tissus et les muqueuses), également controversé. Jusqu'à récemment, certains de leurs produits contenaient du PolyEthylene Glycol  400 (PEG 400), potentiellement cancérigène et peu biodégradable, mais il semblerait que leur production ait été stoppée. La marque utilise néanmoins d'autres types de PEG.
A relever cependant :
- Depuis 2008, la marque a considérablement réduit son utilisation de l'huile de palme, un exploit pour une marque dont la principale source de revenus est la vente de savons. Si la marque continue d'en utiliser et d'utiliser des dérivés pour certains de ses produits, elle est transparente là-dessus. Vous trouverez un article complet ici.
- Quelques-uns de leurs produits, notamment certains masques, ont une composition vraiment irréprochable (comme celui-ci et celui-ci).
- L'engagement de la marque pour la réduction voire la suppression des emballages est très fort : Si leur composition est loin d'être exemplaire, les shampoings solides de Lush sont vendus sans emballage, et permettent d'atteindre jusqu'à 80 lavages, soit 3 fois plus qu'une bouteille de shampoing classique. 35% des produits Lush sont vendus "nus". Pour les autres, ceux vendus dans les pots noirs, il est possible de les rapporter au magasin, où ils seront collectés, nettoyés, broyés, et refondus pour former de nouveaux pots.
- Le point fort de la marque reste son engagement contre les tests sur les animaux : Depuis le 1er juin 2017, la marque refuse d'acheter des ingrédients à des fournisseurs ayant pratiqué, requis ou participé à des tests sur les animaux, à moins que le fournisseur s'engage à ne plus pratiquer ces tests à l'avenir. La marque elle-même n'effectue évidemment pas de tests sur les animaux, et tous les produits sont adaptés aux végétariens, ainsi qu'une large gamme aux végans.

En progrès.


THE BODY SHOP :

La marque, précédemment propriété de L'Oréal (qui teste sur les animaux puisque vendue en Chine), a été rachetée par le groupe brésilien Natura Cosmeticos, 100% Cruelty Free. La dernière grande campagne de la marque, en collaboration avec Cruelty Free International, a été de lancer une grande pétition pour interdir les tests sur les animaux dans le monde. Intitulée #ForeverAgainstAnimalTesting, son objectif est de collecter 8 millions de signatures à remettre à l'Assemblée Générale des Nations Unies en 2018. Vous trouverez toutes les informations nécessaires ici.
J'aurais pu en écrire encore pas mal sur The Body Shop, détailler leurs compositions qui sont loin d'être les meilleures, comme je viens de faire pour les deux marques précédentes, mais je ne souhaitais pas un article trop long. Je vous laisse donc vous faire votre propre idée pour ce dernier exemple ! #flemme

J'espère avoir pu vous éclairer un peu, en tout cas ! Si vous avez l'impression que j'ai oublié quelque chose d'essentiel, n'hésitez pas à l'ajouter dans la section commentaire de ce blog, que tout le monde puisse en profiter, y compris moi ;)
Les précisions, arguments, questions et discussions sont évidemment les bienvenus dans les commentaires au bas de cet article :) (Je trouve ça plus sympa ici que sur Facebook, mais si vous commentez sur Facebook je serai contente aussi ! ;) )

Passez un bon week-end !

🐰



     

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